Étape 1: chi va piano

C’est parti! 94 km pour cette première journée, entre la banlieue Ouest et les confins de la Seine-et-Marne. Trajet à faible rythme pour commencer, sans doute pas plus de 18 km/h, mais il faut ménager l’homme et sa monture pour espérer aller loin. Après une approche par le nord de La Défense, Suzanne a descendu les Champs-Elysées, passé quelques tunnels et a remonté la Seine jusqu’à Villeneuve-Saint-Georges. Puis Montgeron, forêt de Senart et ses jolies voies vertes, villes nouvelles près de Corbeil, et enfin la région de Melun, pour un retour en bord de Seine. Le pédalier grince un peu mais rien de trop alarmant. Ce dimanche sous un soleil magnifique, direction l’Yonne via la pampa! Les photos sont à retrouver sur Instagram : @statutcadre

J-1: Motivation

Le départ, c’est demain! Ce samedi 11, Suzanne rejoindra le 77 depuis le 78 via le 92, le 75, le 94 et le 91. Cette farandole de départements devrait avoir un goût très urbain, mais c’est la condition pour accéder les jours suivants aux vertes voies et tranquilles canaux. Les sacoches sont chargées, les gourdes remplies, les appareils rechargés et le cycliste motivé. Quelques inconnues toutefois: la fiabilité de Suzanne, qui pour avoir été bien révisée, n’en a pas moins une expérience très faible de ce genre de rodéo, et celle du genou du cycliste qui donne des signes de faiblesse depuis quelques semaines. Ah oui, le temps : on le prévoit pourri au milieu de la semaine en Bourgogne. Mais les dés sont jetés. En route !

Serrage, blindage et appareillage

On ne part pas pour plus de 600 km à vélo comme pour aller chercher le pain à l'autre bout du quartier. Même s'il ne s'agit pas de traverser l'Atacama, - un vélociste ou une grande surface seront normalement toujours à une distance raisonnable pendant ce "road trip" entre l'Ile-de-France et la région lyonnaise -, autant réduire les risques de casse ou d'avaries. Le vélo approche de la cinquantaine même s'il est en excellent état général. La vénérable Suzanne a donc subi une préparation en plusieurs étapes visant d'abord à la fiabiliser. J'ai notamment resserré les pédales qui avaient du jeu, rien de rédhibitoire mais autant éviter de briser un élément aussi essentiel au milieu de la campagne bourguignonne. Opération clé plate également sur l'accastillage et les accessoires, du phare avant aux porte-bagages en passant par les dérailleurs et les freins, ces derniers devant être d'une fiabilité exemplaire vu le poids conséquent du vélo qui, avec cycliste, dépassera le quintal!

Sur le même thème de la réduction des possibles désagréments, j'ai investi dans des pneus plus solides que les Michelin World Tour beiges et noirs jusqu'ici en place, charmants et d'aspect "vintage", mais sans doute pas à même de passer sur tous les chemins de halage et gravillons sans arrière-pensées. Donc, ce sont des Schwalbe Marathon Plus qui feront l'intermédiaire entre la randonneuse et le sol. Très connues des voyageurs à vélo, utilisées aussi par les "vélotafeurs" qui veulent éviter de crever sur le chemin du travail, ces gommes sont équipées d'une bande de roulement renforcée et censée digérer sans problème des piquants de quelques millimètres. Bonus, la section est supérieure aux Michelin (650x38 contre 650x35), gage d'un plus grand confort à défaut d'un meilleur rendement. Il a fallu écarter la dynamo mais ces enveloppes remplissent bien les garde-boues, sans les toucher. Elles sont aussi plus lourdes que les Michelin. C'est un pari, mais espérons que ces inconvénients seront compensés par une plus grande sérénité sur le trajet: le meilleur pneu, c'est celui que l'on oublie.

Enfin, un mot des équipements supplémentaires que j'ai installés pour transformer le vélo en machine à voyager: deux porte-gourdes, l'un sur la barre verticale du cadre, l'autre sur le cintre de guidon, pour disposer d'une bonne réserve d'eau à tout moment; également à portée d'oeil, un GPS Garmin Edge Explore sur lequel les tracés prévisionnels des sept jours de voyage sont déjà entrés; un phare de secours électrique; et sous la potence, j'ai fixé une petite trousse pour accueillir les objets devant être accessibles en priorité: téléphone, portefeuille, clés. 

Le porte-bagage avant est quant à lui dévolu aux outils et pièces, une pochette assez dodue, mais l'expérience montre que l'on casse toujours ce que l'on n'a pas. J'emporte donc des câbles de rechange, un dérailleur arrière complet, des clés plates, Allen et à molette, des gants, une pince, une clé à rayons, des maillons de rechange pour la chaîne, du ruban adhésif fort, un couteau, un peu de graisse... et un outil pliant pour revisser tout le reste. 

Plus costaud, le porte-bagage arrière accueillera deux sacoches latérales et un sac à dos de taille moyenne, pour les vêtements, un peu de nourriture et les trousses de toilette et de secours. Le tout étant protégé par une housse imperméable haut de gamme Vaude, dans laquelle j'ai investi avec d'autant plus de joie qu'elle est quasi dans la même couleur que Suzanne, donc orange "flashy", un avantage pour la visibilité par les autres usagers de la route. Au nom de la sécurité, j'emporte aussi un gros antivol en "U" équipé d'un câble supplémentaire pour la roue avant, et qui tiendra solidement le paquetage depuis l'arrière de la selle. Et je n'oublie bien sûr pas un kit de réparation des chambres à air, totalement vintage et instagrammable (ci-contre à gauche)!

Trajet, projet

Première aventure prévue pour Suzanne: de l'Ile-de-France à Lyon, à la mi-septembre 2021! Google dit 588 km mais vu les détours induits pour éviter les routes à forte circulation, ce sera sans doute environ 650, en sept jours, un train de sénateur qui permettra de regarder autre chose que le guidon et la roue avant. Au programme des réjouissances, après avoir traversé Paris depuis les Yvelines: la région de Fontainebleau (sa forêt, son château), la vallée de l'Yonne, le canal de Bourgogne, avec un crochet par Dijon sur la route de Beaune afin de coller aux voies vertes sécurisées, et descente en partie par une autre véloroute en site propre vers la vallée du Rhône. Le tout devrait être assez doux en dénivelés, l'avantage de rester aux bords des cours d'eau, même si les monts du Lyonnais devraient donner un peu de fil à retordre sur la fin. Mais à ce moment-là les mollets devraient avoir pris leur rythme de croisière. Châteaux, écluses, vignes: à quelques kilomètres de la fureur de l'A6, la campagne est belle et espérons calme et accueillante. Grosse inconnue, la météo, mais Suzanne en a sûrement vu d'autres.

Connaissez Suzanne

Suzanne est un vélo Peugeot de 1975, de type PX50L. De loin, on pourrait le confondre avec un demi-course, avec son cintre et ses leviers de frein, mais il se distingue par un accent mis sur le confort et la stabilité: des pneus plus petits et plus larges qu'un vélo de route (650x35B "demi-ballon" pour les connaisseurs), un cadre en acier costaud, des garde-boues et porte-bagages à même de supporter de lourdes charges, et une selle suspendue, même si elle est en plastique et non en cuir. Parmi les autres équipements notables: deux plateaux et cinq pignons soit dix vitesses et dérailleurs Simplex, avec des développements assez faibles permettant de grimper les côtes en souplesse mais pas de battre des records de vitesse, de gros freins à tirage central Mafac "Raid", une sonnette à l'ancienne bien bruyante, et un système d'éclairage à dynamo. Rançon du caractère rustique de la bête et de son cadre en taille 60, réservé aux cyclistes les plus grands, elle accuse 20 kg sur la balance, le double d'un vélo de course Peugeot de la même époque.

J'ai trouvé Suzanne en 2020, déjà en très bon état à part quelques éclats sur sa jolie peinture capucine, mais je l'ai entièrement démontée pour tout graisser, changer les consommables (câbles, patins de frein, chaîne), et lui ai rajouté de belles sacoches vintage ainsi qu'une pompe chromée. L'objectif? Partir à la découverte des véloroutes et petites départementales françaises au rythme nonchalant de ses pédales Lyotard. Ce qui ne va pas tarder. Ah oui, pourquoi Suzanne? Parce qu'avec Suzanne, ça randonne...